mardi 16 février 2010

BUILD A FAMILY IN BURUNDI

Voici un petit post pour compléter le précédent sur le mariage au Burundi, et parce que je suis sûre que la question que vous vous posez tous maintenant est de savoir si ici aussi, la femme prend le nom de son mari. Et bien la réponse est non, car la notion de nom de famille n'existe pas au Burundi. En effet, si les Burundais ont bien deux noms qui ressemblent fort à nos noms et prénoms, il n'en est rien. L'équivalent de leur nom n'est nullement un héritage familial, il n'est donc pas transmis à l'épouse lors du mariage, ni aux enfants. L'épouse garde l'équivalent de son nom de jeune fille, et les enfants du couple recevront tous un «nom» et un «prénom» différents selon le bon vouloir de leurs parents. Ce qui fait la particularité du «nom» par rapport au «prénom», c'est qu'il fait toujours référence à Dieu (= Imana, en kirundi). Petits exemples: Ngendakumana = celui qui va vers Dieu; Nshimirimana = celui qui remercie Dieu, etc.

L'absence de transmission du nom a deux conséquences majeures. D'abord, ce phénomène pose de véritables problèmes de transmission patrimoniale, et rend impossible l'établissement du moindre arbre généalogique (sauf pour les lignées royales). Je crois bien que personne ne sait même ce que c'est! Par ailleurs, le choix des noms limite fortement leur diversité: il n'est pas rare d'avoir dans une même classe de 30 élèves trois au quatre Nshimirimana qui n'ont aucun lien de parenté, et moins surprenant encore de rencontrer deux élèves ayant les mêmes nom et prénom dans un amphithéâtre de 200 étudiants! Pour éviter les problèmes d'identification liés à cette faible variété, la carte d'identité burundaise (et tous les documents officiels) précise donc le nom du père et le nom de la mère.

A propos de carte d'identité, je fais un petit apparté hilarant sur les deux avant-dernières lignes, qui concernent l'état civil du détenteur:
  • avant- avant - dernière ligne: êtes-vous marié?
  • avant - dernière ligne: êtes-vous célibataire?
(je vous jure, ce n'est pas une blague!!)

Pour en revenir aux enfants, je me dois de confirmer un cliché bien ancré sur l'Afrique: oui, les Burundais ont beaucoup d'enfants. Une famille a en moyenne entre 7 et 9 enfants. Mais cette réalité est en train de changer: les nouvelles générations, surtout en ville, ne souhaitent plus avoir que 2 ou 3 enfants, afin de leur assurer un avenir décent. La transition démographique a bel et bien commencé au Burundi.

La diffusion progessive de la contraception, aujourd'hui encore très limitée, accélèrera sans doute le phénomène. En attendant, faute de contraception artificelle, les Burundais ont recours à des méthodes plutôt ... originales pour limiter les naissances. En effet, après l'accouchement, les époux peuvent rester jusqu'à plusieurs mois sans se voir, pour éviter une autre conception trop rapprochée de la précédente!! Une autre méthode consiste à allaiter son bébé pendant ... tenez-vous bien ... 2 ans minimum, et jusqu'à 5-6 ans dans certains cas! Oui, oui, c'est même recommandé par les médecins ... d'ici! Plus longtemps on allaite l'enfant, plus fort et intelligent il sera!

GETTING MARRIED IN BURUNDI

La dot de la petite soeur de Jean-Pierre a été l'occasion pour les dilettantes que nous sommes de découvrir quelques uns des petits secrets du mariage à la burundaise.

ETAPE 1: LA PRÉ-DOT.
Avant les cérémonies officielles, les deux familles se rencontrent informellement dans la maison de la future mariée. Auparavant, ce premier contact avait pour but de fixer le montant de la dot: la famille du gendre apportait une enveloppe contenant une certaine somme d'argent qui correspondait à 1/10 du montant total de la dot. Aujourd'hui, les fiancés se mettent souvent d'accord entre eux pour fixer ce montant, autrement dit le prix de la jeune fille.

Car, contrairement à notre tradition européenne, ici, comme dans la plupart des pays d'Afrique, c'est la famille du gendre qui verse de l'argent à la famille de la fille, pour compenser la perte. Plus une fille est belle et éduquée, plus elle vaut cher. Une dot, notamment à Bujumbura, peut s'élever jusqu'à 2-3000 dollars, voire plus! Imaginez pour le niveau de vie du Burundi! Pour vous donner une idée, nos gardiens sont touchent l'équivalent de 300 dollars par an. Auparavant, ce montant était acquitté en chèvres et en cadeaux plus au moins symboliques (des tissus, une houe, des machettes, un costume, etc.), mais aujourd'hui, les familles préfèrent souvent verser l'essentiel de la somme en liquide (la maison n'accepte plus les chèques, en raison des nombreuses fraudes!). Pour les Burundais, une occidentale est donc un don du ciel: c'est gratuit!

ÉTAPE 2: LA DOT
La cérémonie de la dot correspond peu ou proue aux fiançailles de chez nous: il s'agit basiquement de la première rencontre officielle entre les familles. Plantons d'abord le décor: une maison dont la cour a été transformée, l'espace d'une journée, en salle de spectacle, avec un parterre dans lequel prennent place les invités, et une scène qui acceuille les familles, les invités importants puis les fiancés. En matière de décoration, comme nous le savions déjà tous, le bon goût est une notion largement culturelle et qui fait rarement l'unanimité...: fleurs en plastiques, tableaux floraux et religieux fluorescents, guirelandes clignotantes, etc., aucun cliché n'a été épargné! Maman Forestier en aurait fait une attaque! En même temps, les fleurs en plastiques ont aussi des vertus pratiques dans ce pays chaud, où les fleurs naturelles attirent des insectes de toutes sortes et de toutes tailles!

Quant au cérémonial, c'est la famille de la bru qui accueille la famille du gendre, cette dernière ayant le devoir de se présenter les bras chargés de présents: des vivres stockés dans des paniers traditionnels en forme de quille, et évidemment les incontournables caisses de bière! C'est confirmé, le champagne burundais, c'est l'AMSTEL!

Après cette arrivée en grande pompe, commence le cérémonial proprement dit, qui consiste en une joute verbale entre pères et représentants des deux familles – pour que vous ne soyez pas trop surpris, je me dois de souligner que les discours ont une importance fondamentale dans les fêtes burundaises, même les plus informelles! Il s'agit en fait d'une sorte de jeu de rôle dans lequel le père de la fiancée prétend ne pas savoir pourquoi la famille du jeune homme est là et demande des explications. Le représentant de la famille du gendre explique alors qu'ils viennent pour la paix, l'union de deux familles, et surtout – admirez le sens burundais de la métaphore – pour venir chercher « une vache sans corne »! Toute une symbolique, car la vache a un rôle très particulier dans la société burundaise, elle fournit lait, viande et peau, elle est le présent du serviteur à son maître, la mère nourricière des orphelins. Le jeu continue et le père de la future mariée feint d'ignorer de quelle « fille-vache » il s'agit, il évoque ses autres « vaches » mais jamais la bonne. Le représentant de la famille du fiancé doit donc préciser le nom de la promise. Le père de la jeune fille rétorque alors qu'il lui est impossible de se séparer d'une « vache » si précieuse pour sa maison sans compensation. Il faut donc que le réprésentant de la famille du garçon s'engage à compenser cette perte pour que le père de la fille finisse par accepter de la donner en mariage et la fasse monter sur scène.

Puis, lorsque le fiancé est présent, après une embrassade très pudique, les fiancés s'échangent des cadeaux. Si le cadeau destiné au jeune homme n'obéit à aucune règle particulière, ce dernier offre souvent à sa douce une bague symbolique, qu'elle portera au majeur de la main gauche. Enfin les fiancés s'assoient face à l'assemblée, pour partager aux vues et aux sues de tout le monde leur « premier repas ». J'ai bien dit « si le fiancé est là », car avant, sa présence n'était pas requise. Ainsi, il arrivait souvent que les fiancés se rencontrent pour la première fois au moment du mariage, ce qui faisait dire aux gens d'ici que le mariage burundais, c'est un travail de mathématicien: on passe la nuit sur une inconnue!

ETAPE 3: LE MARIAGE
De cette étape, je ne connais que les prémisses, je vous en dirai après le 20 mars (mariage civil de la soeur de JP). Ce que je peux déjà vous dire, c'est que comme le Burundi est une république laïque, il existe comme chez nous un mariage civil – la polygamie est illégale, même si on peut toujours s'arranger! – et un mariage religieux. Le mariage civil a souvent lieu avant le religieux, notamment parce que le premier est soumis à moins de règles que le second. En effet, il est formellement interdit par l'Eglise burundaise de se marier enceinte – on ne sait jamais, il pourrait être d'un autre géniteur que le futur ami, ce qui conduirait à l'annulation du mariage, chose absolument inadmissible et pour l'Eglise catholique et pour la coutume burundaise.

Or il est très courant que les femmes tombent enceintes avant le mariage – phénomène que les Burundais, pourtant très pratiquants, justifient par la nécessité de vérifier la fertilité de leur future épouse avant de faire le grand saut! Il n'est donc pas rare qu'on s'arrange pour organiser le mariage civil avant la naissance – ainsi la future mère peut accoucher chez son mari, comme le veut la coutume, sans « vivre dans le péché » – puis qu'on célèbre le mariage religieux quelques mois après.

ETAPE 4: LA LEVÉE DU VOILE
Cette cérémonie, qui a généralement lieu le lendemain du mariage, a tendance à devenir de plus plus symbolique, en raison de ce que nous venons d'évoquer plus haut. Il s'agit en fait du moment où les tantes de la désormais jeune femme viennent récupérer le drap qui a accueilli les premiers ébats des jeunes mariés, afin de constater s'il a ou non été tâché de sang, autrement dit pour vérifier à posteriori que la bru était bien vierge et que le gendre a bien fait son boulot!

lundi 8 février 2010

STUDYING IN BURUNDI


Si je ne peux pas prendre l'Université de Ngozi comme exemple paradigmatique du système d'éducation supérieure au Burundi, je peux néanmoins en tirer quelques traits caractéristiques. Vous n'êtes pas sans savoir – et si vous l'ignoriez, maintenant vous le savez! – que l'Université de Ngozi (UNG) est la première université privée créée au Burundi et aussi la seule qui se trouve hors de la capitale. En effet, le pays compte aujourd'hui une quinzaine d'établissements d'éducation supérieure, tous situés à Bujumbura. Bonjour l'aménagement du territoire!

La jeunesse de ce réseau, à laquelle s'ajoute la faiblesse des salaires – notamment par rapport à ce qu'un diplômé de licence peut toucher en travaillant dans une Organisation ou une ONG internationale, explique en grande partie la carrence de professeurs qui touche le pays, surtout dans les campagnes (autrement dit, tout autre lieu que Bujumbura!). Les quelques profs qui exercent ici sont donc amenés à enseigner dans plusieurs universités à la fois. Lorsque toutes ces universités se trouvent au même endroit, pas de problème, mais que se passe-t-il lorsqu'il faut monter jusqu'à Ngozi, à deux heures et demi de route de Bujumbura, pour aller enseigner dans une université qui n'a pas les moyens de s'offrir un personnel permanent suffisant pour être totalement autonome? Et bien on s'arrange comme on peut! Comme les professeurs visiteurs doivent prendre des congés pour venir ici et sont alors logés et nourris au frais de l'université, les activités des professeurs permanents sont suspendues afin que les premiers puissent donner leur cours de 45 ou 60, voire 90h en 10 à 20 jours, à raison de 8h par jour, les WE et jours fériés compris!

A cause de ce rythme et de ces interruptions perpétuelles, même les professeurs permanents en sont réduit à donner leurs cours dans ces conditions. Heureusement, parce que nous avons un doyen compréhensif, nous avons négocié de n'avoir que quatre heures de cours par jour, pour étaler un peu la période d'apprentissage.

Un rythme effréné pour les étudiants qui, au terme du cours, passeront un premier examen (session partielle ou 1ère session) puis, s'ils ont échoué (note inférieure à 12, rares sont donc les élèves qui valident leur matière du premier coup), un second (session spéciale ou 2e session – qui consiste souvent à refaire le premier examen!), et n'entendront plus parler de ce cours jusqu'à la fin de l'année académique.

En parlant d'année académique, ici elle n'est pas fixe, sauf pour les premières années qui commencent les cours entre les mois de novembre et de décembre, après l'examen d'Etat (l'équivalent du bac) qui a lieu en septembre. Pour les autres, la nouvelle année commence lorsque la précédente prend fin, souvent après deux semaines de coupure pour laisser le temps aux commissions de passage de délibérer. Autrement dit, une année académique au Burundi ne dure pas nécessairement 12 mois: la licence, qui s'effectue normalement en 4 ans – du moins jusqu'à l'année prochaine où la réforme LMD devrait être lancée, peut parfois durer 5 à 6 ans! Cela signifie aussi qu'ici, pas de vacances, en tout cas planifiées: les étudiants ont connaissance de leur emploi du temps d'une semaine sur l'autre, en fonction des professeurs visiteurs disponibles, des professeurs permanents en congés ou non, et des périodes calmes, où ils peuvent s'octroyer quelques jours de vacances improvisées, souvent dédiées à un petit boulot pour financer leur minerval (leurs frais de scolarité).

Quant au niveau des étudiants, il est extrêmement hétérogène, il dépend essentiellement de la qualité du lycée dans lequel ils ont étudié, et cette qualité varie énormément entre les lycées communaux, les lycées privés catholiques et les lycées islamiques (comibu), etc. – ces derniers bénéficient en effet d'une meilleure qualité d'enseignement que la moyenne des établissements secondaires burundais grâce au soutien financier et logistique des pays du Golfe. Il me semble que la difficulté principale réside en fait dans la maîtrise du français qui, bien qu'il soit imposé comme langue d'apprentissage, n'est pas leur langue maternelle. Il est déjà compliqué de suivre un cours de biochimie, alors quand c'est dans une autre langue que la sienne... Pour le cas du département de traduction et d'interprétation dans lequel je travaille, le problème est bien plus grave: entre version et thème anglais-français, rien n'a de sens, puisque le français comme l'anglais sont des langues étrangères (« venues par avion ») pour les élèves. Mes cours de traduction consistent donc autant à leur apprendre à comprendre l'anglais qu'à bien s'exprimer en français! Et ce n'est pas une mince affaire!