vendredi 29 octobre 2010

BEING TWA, HUTU OR TUTSI IN BURUNDI


En vertu des accords d'Arusha et depuis la fin de la crise, toute référence à l'éthnie est interdite en politique au Burundi. Bien sûr, les grands partis historiques (UPRONA – ancien parti unique tutsi, FRODEBU – parti hutu du premier président démocratiquement élu en 1993 et dont l'assassinat a déclenché la guerre civile) n'ont pas balayé leurs fondements éthniques et claniques du jour au lendemain. Les partis issus de la crise burundaise, autrement dit les anciennes milices hutues rebelles (CNDD-FDD – parti actuellement au pouvoir, FLN – anciennement PALIPEHUTU et dernier groupe rebel à déposer les armes en 2009), devenues partis politiques avec la fin de la guerre, non plus. Seuls les deux grands partis politiques nés après 2005 (UPD – né d'une scission avec le CNDD-FDD et qui réunit l'essentiel des musulmans burundais, MSD – parti de l'intelligenstia urbaine) échappent un peu à ce schéma éthnique.

Cela étant, les discours officiels ont progressivement réussi à gommer ces fondements éthniques, et à recentrer le découpage des partis sur d'autres intérêts fédérateurs (la religion, urbain-rural, commerçants-paysans, sud-nord, ect.). Aujourd'hui, je crois que l'on peut dire sans se tromper que l'éthnie n'est plus un thème politique mobilisateur. De fait, l'existence de quotas éthniques au parlement (40% tutsi, 60% hutu, 3 sièges pour les twas), au gouvernement, à la présidence (le vice-président doit être d'une autre éthnie que celle du président), et surtout dans l'armée, sont les seules marques encore visibles de la distinction éthnique en politique. Ces quotas font que les hommes de pouvoir continuent discrètement à se chamailler pour des raisons prétendument éthniques qui ont cessé d'intéresser le reste de la population. C'est pourquoi il est à croire que le Burundi, contrairement à son voisin rwandais, échappera désormais aux conflits internes de nature éthnique. L'éclatement de conflits ouverts entre certains partis politiques, issus de la même majorité éthnique, sont bien plus à craindre.

Peut-on pour autant, comme je l'ai cru au début, penser que l'éthnie n'a plus de sens aujourd'hui au Burundi ? Je crois pouvoir dire que non. Si la distinction traditionnelle entre bahutus (agriculteurs), batutsis (éleveurs – familles royales) et batwas (cueilleurs et chasseurs), qu'a dangeureusement perverti la colonisation belge, n'a plus cours aujourd'hui, certaines caractéristiques attribuées à l'éthnie continuent à faire l'objet de remarques et de blagues qui dissimulent mal une différenciation sociale persistante.

Les batwas (cousins des pygmées) sont l'illustration la plus évidente dans la société burundaise contemporaine d'une inégalité sociale fondée sur l'éthnie. Représentant environ 1% de la population, cette minorité éthnique reste durement marginalisée, bien qu'elle compte depuis peu quelques représentants au parlement. Vivant essentiellement de la fabrication de poterie, cette éthnie continue à être stigmatisée et vit souvent dans des conditions d'extrême pauvreté.

La différencition sociale entre hutus et tustis est, il est vrai, beaucoup plus difficile à saisir. En effet, aujourd'hui, les deux éthnies se partagent le pouvoir politique et économique, même s'il semble que ce partage ne soit pas tout à fait équitable. De fait, on trouve proportionnellement plus de tutsis que de hutus à des postes à responsabilité (rappelons que les tusis représentent environ 20% de la population, contre 80% pour les hutus), tant dans le secteur privé que dans le public. Mais la véritable inégalité se situe beaucoup plus bas dans l'échelle sociale. C'est une question anodine à des amis qui m'en a fait prendre conscience : très rares sont les domestiques tutsis, et un hutu, aussi riche et respectable soit-il, ne pourra jamais faire travailler un domestique tusti chez lui. La déférence des hutus vis-à-vis des tutsis reste une réalité dans le Burundi contemporain.

Un autre exemple en est cette plaisanterie entre deux amis, entendue il y a quelques semaines : « vous les tustis, vous avez le don de voler discrètement ! Vous faites évaluer les biens publics en dissimulant ce que vous voulez vous appropriez, et vous vous remplissez ainsi les poches ni vu ni connu ! Tandis que nous, les hutus, nous volons franchement, aux vues et aux sues de tout le monde. Dès qu'il y a quelque chose à voler, on saute dessus, sans réfléchir ». Je sais que cette blague a l'air anodin, qu'elle renvoie à l'histoire politique du pays. Mais son ironie ne doit pas faire oublier qu'elle reflète aussi le sentiment ambigü de rejet-admiration des hutus vis-à-vis de l'ancienne éthnie dominante. En parallèle, le sentiment de cette supériorité et autorité naturelle perdure souvent dans la conscience des tutsis, aussi ouverts et humbles soient-ils. Ce qui m'amène à conclure que la distinction éthnique, non créée mais viciée par le colonisateur, non totalement gommée mais rapportée à la seule sphère sociale par les autorités élues depuis 2005, est amenée à rester une donnée indispendable pour comprendre la structuration de la société burundaise.

mardi 12 octobre 2010

EATING AND DRINKING IN BURUNDI

Il faut bien avouer que, si la qualité des produits est incontestable, la gastronomie burundaise reste pourtant limitée. Votre premier contact avec la nourriture burundaise commence avec les petits encas vendus dans la rue par de jeunes garçons en gueunilles, qui portent élégamment leur plateau ou leur bassine sur la tête. Vous pourrez ainsi caler les petites faims avec des arachides (cacahuètes grillées, mais non salées, un délice!), des samboussas de pommes de terre ou de viande(qui sont des samosas en fait ; attention : ceux de pommes de terre sont souvent très chargés en pili pili!), ou des oeufs durs.

Pour une cuisine un peu plus consistante, tournons-nous vers les haricots (ibiharage) et la banane verte (ibitoke) parfois mélangée à des spaghettis. Il faut y ajouter du riz, souvent importé de Tanzanie. On prépare aussi de la verdure : de l'isombe (feuilles de manioc pilées, bon courage pour piler ça chez soi!) et un de mes plats préférés, qui me coûte 4 heures de cuisine à chaque fois, les ilengalenga. Cette sorte d'amarantes (cousines des épinards) se dégustent avec une sauce tomates-oignons-farine d'arachide qui en révèle toute la saveur. Certains d'entre vous ont eu l'insigne privilège de goûter à ce plat cet été, à mon retour en France, et ont semblé apprécié ! Tous ces plats très « typiques » de la cuisine paysanne burundaise se savourent aisément dans les petits restaurants que l'on trouve presqu'à tous les coins de rue, qui fonctionnement comme des cantines, et qui vous remplissent le ventre en 10 min pour la modique somme de 800 Fbu (0,50€). Attention : ces restaurants servent rarement de l'alcool.

Ces petites cantines servent aussi de la viande en sauce. De fait, il faut dire qu'ici, le steak n'est pas tout à fait une spécialité, la viande étant souvent totalement saignée. On mange donc du boeuf ou de la chèvre bouilli(e) puis frit(e) puis recuit(e) dans sa sauce. Autant vous dire qu'avec cette complexe préparation, ce n'est pas ce que je me cuisine tous les jours !

On peut aussi déguster ces viandes en brochettes, nomales ou mixtes (avec viande et foie ou rogons), simples ou accompagnées de frites de pommes de terre ou de bananes, le tout arrosé d'une bonne primus ou d'une amstel tiède. Ce rendez-vous incontournable de la sociabilité burundaise se déroule dans les fameux cabarets (vous vous rappeler sans doute de Chez Priscille!), qui se résument souvent à quelques tabourets installés devant un contener face au cadavre pendu de la chèvre que vous êtes en train de déguster, miam !

En zone rurale, ces cabarets sont plus rustiques et ne vous servent souvent que quelques primus chaudes mais surtout de la bière de banane (urwawa) ou de sorgho (sorte de bouillie, plus ancienne que celle de banane, mais un peu indigeste). Il faut bien dire que la bière au Burundi, sous toutes ses formes, est sans conteste l'équivalent du vin en France : un véritable emblème national! En effet, vous remarquerez sans doute que toutes les maisons de la campagne burundaise sont signalées par une ceinture de bananiers. Si l'usage de ces bananes pour la nourriture est fort probable, leur contribution à la fabrication de la bière de banane est, elle, incontestable. L'impact de la consommation d'alcool sur l'alcoolisme chronique, la paupérisation des ménages et les violences domestiques aussi, malheureusement.

Pour une cuisine un « peu » plus élaborée, surtout musulmane en fait, il faut chercher vers le pilau, cette préparation à base de riz aux épices et de viande. Enfin si vous avez un peu de patience et que vous êtes prêts à attendre entre 45 min. et 1h30, n'hésitez pas à vous diriger vers des restaurants un peu plus standings, où l'on prépare du ragout de chèvre, des demi-poulets aux sauces variées, des omelettes (qu'il n'est pas rare de voir écrit « omerettes » en raison de la confusion systématique en kirundi entre le [l] et le [r]; essayez donc avec « élections »!), et surtout les poissons du lac Tanganyika ! Au menu, mukeke grillé ou sangala en sauce (poivre vert ou noir, champigons-crème, poireaux-crème, etc.) : un délice ! Vous arroserez le tout de bière (seulement si le restaurant n'est pas musulman), de sodas et de fruito (jus de passion ou d'ananas) mais ne comptez pas trop sur le vin!

Si ces délices de la gastronomie burundaise ne vous satisfont pas, vous trouverez quelques restaurants chinois, italiens, indiens, français, ethiopiens, etc. mais seulement à Bujumbura.

mardi 27 juillet 2010

BEING RELIGIOUS IN BURUNDI


J'étais prévenue avant de partir: l'Église en Afrique, c'est … différent. On a du mal à imaginer le pouvoir et la richesse extravagante de l'institution catholique dans le 5ème pays le plus pauvre du monde.

Ici, rien ou presque ne se fait sans l'accord de l'évêque du diocèse. Les prêtres, toujours de costumes vétus, se promènent en 4x4 dans les rues poussièreuses des villages, et délivrent des serments sur l'ascèse et l'abstinence au bras de leur(s) maîtresse(s), à qui il n'est pas rare qu'ils aient fait quelques enfants. Les religieuses étudient en proportion 10 ou 12 fois plus que les filles burundaises laïques. Si la caricature est un peu excessive, elle n'est pas si éloignée de la réalite. Le sacerdoce ici est vécu comme une véritable ascension sociale, dont il est difficile de ne pas profiter.

Comment l'Église fait-elle pour être si aisée ? Et bien figurez-vous qu'en plus des indemnités versées à chaque service rendu par l'Église (messe de neuvaine, mariage, etc.), les burudais paient encore la dîme, cet impôt annuel à l'Église. Son montant n'est pas très élevé – quelques milliers de francs par an – et proportionnel à l'âge. Cela dit, si vous n'êtes pas à jour dans vos versements, impossible de demander quoi que ce soit à l'Église : vous ne pourrez ni faire votre communion solennelle ni vous marrier religieusement. De quoi s'assurer que les mauvais payeurs ne profitent pas gratuitement des bons offices de l'institution !

A cette recette de taille, s'ajoute aussi celle de la quête, apportée individuellement à l'autel lors de la messe. Enfin, il faut souligner que l'Église catholique, commes toutes les autres institutions religieuses d'ailleurs, ne paie pas d'impôts, alors même qu'elle dispose d'un patrimoine foncier et immobilier colossal.

Même si les burundais restent encore majoritairement catholiques, la concurrence des protestants « born again » s'est faite très rude, surtout depuis la crise de 1993. Les églises pullulent et réveillent tout le village le dimanche à partir de 6h du matin au son des chants religieux. Une amie de Gitega a eu le malheur d'atterrir dans une maison contigüe à une église protestante, et le dimanche matin, on a vraiment l'impression que le pasteur prêche dans son salon! Cette propagation du protestantisme charismatique en provenance des États-unis s'accompagne aussi d'un regain de ferveur religieuse, surtout chez les jeunes, tous très pieux, peut-être trop..., occupant leur week-end en prière et en gospel. Cette vigueur omniprésente de la religion a parfois des conséquences que personnellement, je juge graves, telles la diffusion d'idées créationnistes qui font dire à certains de mes étudiants, à l'occasion d'un débat sur l'émancipation de la femme, que cette dernière est forcément la subalterne de l'homme puisqu'Eve est sortie de la côte d'Adam! Ne riez pas, ce débat nous a occupé une bonne demi-heure !

Quant aux musulmans, dont les hurlements du muezzin 5 fois par jour n'ont pas l'air de déranger les passants de toutes les autres confessions, ils pratiquent une religion que l'on pourrait qualifier d' « adaptée » : en effet, ici, beaucoup de cabarets se vident au moment du ramadan et certains préfèrent même fermer en attendant que la clientèle revienne après l'Eïd-Fitri. Le plus insolite, c'est la cohabitation entre les commerçantes du marché disparaissant sous leur niqab et les musulmanes voilées au bras nus!

Je dois terminer ce post en vous expliquant que parler de religion au Burundi, c'est comme parler de haricots: c'est quelques chose que tout le monde partage. Pas de place pour les athées dans ce pays, la ferveur religieuse y est  presque un élément de "l'identité nationale", si on me permet cet emprunt à notre cher Nicolas!

jeudi 8 juillet 2010

BEING MURUNDI IN BURUNDI

Les Barundis (pluriel de (u)murundi), ce sont les Burundais ! Un peuple dont je vous ai encore peu parlé finalement. Laissez-moi commencer par les burudaises, qui ont totalement dissipé mes clichés sur les africaines, toujours apprêtées, aux mille coiffures et aux bijoux rutilants. En effet, la majorité des burundaises – qui sont des paysannes, il ne faut pas l'oublier – sont très peu soignées. Souvent vêtues d'un pagne aux couleurs vives (pas en feuilles de bananes, hein ! en tissu quand même!) et d'un polo ou t-shirt déformé par les têtées, sans soutien-gorge (pour le reste, je me suis posé la question, mais je vous rassure, je n'ai pas été voir!), pieds nus ou avec des tongs en plastique (ici appelées des babouches, allez comprendre!) qui ne protègent nullement leurs pieds de la boue pendant la saison des pluies ou de la poussière pendant la saison sèche, portant les cheveux courts sans rajouts ni tresses, les burundaises auraient presque l'air de garçons manqués! Cela est particulièrement vrai lorsqu'elles sont jeunes, et alors presque filiformes. Les femmes de la ville font bien plus attention à elles, même si celles qui se maquillent peuvent se compter sur les doigts d'une seule main. Elles deviennent surtout visiblement plus grosses lorsqu'elles se marient et deviennent mères.

Mais ce que toutes ces femmes burundaises ont en commun, c'est le sens de la déférence à l'égard des hommes. La culture burundaise intime à ses filles de ne jamais soutenir le regard de personne, et surtout pas d'un homme, et à se faire la plus discrète possible. Imaginez comme il m'est difficile d'enseigner l'interprétation dans ces conditions! Les hommes disent aussi d'elles qu'elles sont vénales, et qu'un garçon sans le sou n'a aucune chance de pouvoir approcher une fille. J'avoue que de ce côté-là, je n'ai pas encore pu me faire mon opinion, même si je fais toujours naturellement plus confiance à la bonté des femmes qu'aux critiques des hommes ;-).

Les burundais quant à eux pourraient se classer en deux grandes catégories : les hommes en chaussures de ville – toujours impeccables, même si un peu trop pointues à mon goût, avec le costume qui va avec, souvent 3 pièces, même pour les tout petits garçons les jours de fête !, - et les hommes en babouches – j'aurais pu dire les « vas-nus-pieds », mais en écrivant, je me rends compte que les hommes sont beaucoup moins souvent pieds nus que les femmes. Ces derniers – les hommes en babouches – sont souvent vêtus de guenilles sans âge et sans forme. Cela dit, je trouve que les burundais ont souvent de beaux visages, avec des traits assez fins, en tout cas plus harmonieux que ceux des femmes.

Ces hommes, qui tiennent les rênes de la société burundaise, n'en demeurent pas moins d'un tempérament assez calme et tranquille, en tout cas jamais provocant. Les burundais détestent le conflit et le fuient autant que possible, quite à faire preuve d'une hyprocrisie flagrante. Seuls les gens sans éducation ou ivres font des scandales, pas les burundais dignes de ce nom.

Voilà, j'espère avoir pu vous donner une petite idée de ce que peut être ce peuple divers, discret et pourtant si accueillant!

mardi 1 juin 2010

NGOZI'S ANATOMY E06S01: UN JOLI MOIS DE MAI

La maison des Bazungu a encore été bien animée ce mois-ci. Après le retour de Laura et Maxi de Zanzibar, en compagnie de José, un ami espagnol de Maxi venu travaillé à l'université pendant un mois, deux amis de Laura sont venus rendre visite aux collocs pendant deux semaines, hispanicisant encore un peu plus la maison! Laura et Maxi profitent largement de cette visite pour se ballader encore un peu au Burundi, tandis que Maria s'adonne à son travail avec ferveur.


En effet, avec le début des cours de traductologie et d'interprétation consécutive, la tâche a été rude! La pauvre historienne a dû se frotter à des disciplines presque totalement inconnues et bâtir des cours qui tenaient la route. Le résultat n'est pas si mal, aux dires de ses étudiants, et Maria en est autant satisfaite que soulagée! En plus des cours, un petit projet de quizz de culture générale pour les étudiants a pas mal occupé Maria ces dernières semaines. L'initative, organisée avec ses amis de l'université – Amidou, Jean-Pierre, Trésor et Pascal – a été un petit succès, avec 12 participants, une dizaine de lots distribués et un public peu nombreux mais totalement conquis. Le club nouvellement formé Ubumenyi (« connaissance » en kirundi) espère que le prochaine édition des « Génies en herbe », prévue fin juillet, surpassera la 1ère!


Malgré son travail, la petite française trouve quand même le temps d'aller faire quelques excursions dans le pays avec ces amis de Bujumbura et de Gitega. Une bonne petite équipe, qui s'est offert un séjour de 4 jours dans le sud à l'occasion de l'Ascension et de quelques anniversaires à fêter! Prochaine destination: Mwanza, en Tanzanie, au bord du Lac Victoria, du 9 au 13 juin, histoire de prendre quelques jours de vacances entre filles avec Clémence et Valentine.

Pendant ce temps-là, « la maison des animaux à l'agonie » s'était momentanément transformée en havre de paix pour ce bon Frederico  (le canard, vous vous souvenez) qui en a profité pour prendre quelques kilos! Mais ce moment d'accalmie a été de courte durée. En effet, la visite éclair d'une Viernes 2, une belle chèvre noire tachetée de blanc, a ranimé l'instinct carnivore de la maisonnée. La pauvre bête a ainsi été goulûment dévorée en brochettes à l'occasion d'un vendredi de fête durant lequel Amidou a célébré l'obtention d'une bourse du gouvernement espagnol pour aller étudier un mois à Valence cet été. Puis, à l'approche du départ de Maxi (le 7 juin) et de Laura (le 22 juin), la pression sur ce pauvre Frederico, dont la destinée était de finir en magret pour le bonheur des collocs, s'est faite telle que la végétarienne de la bande a finalement décidé de kidnapper l'animal pour lui éviter la casserole! Voilà donc la maison à nouveau vide de toute vie animale, exception faite d'une nouvelle petite souris qui a montré le bout de son nez il y a quelques semaines et qui a jusqu'à présent réussi à échapper à la tapette gracieusement installée à son intention.

Frederico refera-t-il une apparition avant le départ de Maxi, José et Laura? La Tanzanie sera-t-elle une nouvelle révélation paysagère pour Maria? Comment vivra-t-elle le prochain départ de ses collocs et le vide qu'ils laisseront à la maison? Vous le saurez en lisant le prochain épisode de Ngozi's Anatomy!

dimanche 16 mai 2010

BEING A VOLUNTEER IN BURUNDI

Mon cas est un peu particulier. J'ai passé 25 ans de ma vie dans la même ville (ou presque): j'y ai établi une immense partie de mon réseau socio-affectif, j'y ai réglé mon rythme de vie, j'y ai construit mon identité socio-intellectuelle, bref j'y avais fait mon trou. Et voilà qu'un beau matin, je décide de partir en coopé, pour 2 ans, loin de tout ça. A posteriori, je ne sais pas si je me rendais bien compte de tout ce à quoi cela m'engageait.

Voilà le 1er bilan que je peux tirer après 7 mois à Ngozi. On peut faire son trou partout, il suffit de faire preuve d'un peu de bonne volonté et de beaucoup de culot, on trouve forcément au moins une personne, souvent plus, qui se porte inconsciemment volontaire pour nous servir de nouveau repère affectif. Je n'échappe pas à la règle: au-delà de la relation plutôt chaleureuse que j'entretiens avec mes collègues, je crois pouvoir dire que je me suis fait quelques amis ici, de vrais amis. Ce petit monde me plaît, je me suis laissée intégrer à l'équilibre des forces qui le régissent et je m'y sens enfin non indispensable mais irremplaçable. J'y ai reconstruit un réseau, un rythme de vie, une identité, bref un petit trou.

Comme dans le trou pécédent, il y a ici des choses que me font vibrer, des gens, des évènements, des sentiments dont je sens qu'ils sont fondamentaux dans ma vie. Qui me connait un peu sait que c'est le genre de choses que j'ai du mal à garder pour moi et que j'ai plutôt une envie débordante de partager avec ceux que j'aime.

C'est alors que le Burundi me paraît si loin, ou la France, je ne sais pas trop. Ce n'est pas l'impression d'avoir radicalement changé ou de mener une double vie. Non, c'est plutôt le sentiment de vivre deux vies distinctes, presque complètement imperméables l'une à l'autre. Cette sensation, dont je m'accommode la plupart du temps, devient parfois infiniment frustrante quand je réalise que cette étanchéité est partie pour durer.

Enfin il existe bien une sorte de solution qui, à défaut d'effacer durablement la distance, pourrait la réduire temporairement. Je sais que ce n'est pas facile de trouver le bon moment, que la saison climatique et politique n'est pas très favorable en ce moment, que c'est coûteux et peu accessible, que ce n'est pas forcément aussi excitant que la Chine ou la Réunion au premier abord, etc., mais je rêve de vous faire découvrir ce pays, ces gens, ces émotions qui constituent une partie de ma vie que les mots, les mails et les billets sur ce blog ne vous font qu'apercevoir. J'aimerais tant que mes amis d'ici vous connaissent aussi et mettent des visages et des sourires sur les noms que je ne cesse de leur rabacher. En un mot, je souhaiterais que ces deux rives d'un même fleuve se rapprochent un peu...

jeudi 8 avril 2010

NGOZI'S ANATOMY E05S01 – KARIBOU

La collocation est tout en émoi après ces dernières semaines. Après le départ de Saïdi, c'est Elena qui a quitté le Burundi pour la RDC, en laissant la pauvre Laura sans sa compagne catalane préférée. Heureusement, la tristesse de ces départs a finalement été apaisée par plusieurs arrivées. D'abord celle de Federico, le nouveau canard domestique de la maison! Mais tandis que Laura s'était démené pour trouver ce petit cadeau pour Maxi, l'adorable canneton a fait fausse compagnie à ses nouveaux propriétaires trois jours après son arrivée. Par bonheur, une voisine a permis la réapparition miraculeuse de l'animal, venu se réfugier chez elle. Depuis, Federico a fait son trou à la maison, où il est traité comme un coq-en-pâte!

La maisonnée a aussi accueilli pendant quelques jours le chargé de mission de la DCC, Marc, venu observer l'intégration personnelle et professionnelle de Maria et Carolina dans dans leur nouvel environnement. Doué d'un grand sens de l'écoute et d'un encore plus grand sens de l'humour, Marc a su aider chacune à faire le point, après ces déjà presque 6 mois de volontariat!

Trois semaines plus tard, une seconde visite a bouleversé pendant une semaine les habitudes de la collocation: celle de la famille de Laura, chargés de 10kg de jambon, chorizo, chocolat et autres gourmandises qui ont fait le bonheur des collocs! Les parents semblent avoir beaucoup apprécié leur séjour et se sont réjouis de voir leur petite fille entre les bonnes mains de Maxi, qui a rapidement été invité à leur rendre visite cet été! Pas si sûr que la parfait amour que Laura et Maxi filent au Burundi ne soit que de circonstance!

Enfin, une autre arrivée tant attendue a mis Maria dans tous ces états: celle du petit Michelange, 2,5kg, premier neveu de Jean-Pierre. Elle qui s'attristait de ne pas pouvoir garder les bébés des copains et cousins récemment nés en France, la voilà toute excitée à l'idée des heures de baby-sitting que cette naissance lui promet. Cet heureux évènement, auquel se sont ajoutés l'anniversaire d'Amidou (24 ans) – l'occasion pour Amidou d'officialiser son amour pour la belle Jeanne (surnommée la préférée) – et le premier séjour à Bujumbura d'Amidou et Jean-Pierre avec le trio bazungu – l'occasion pour Jean-Pierre de montrer à ses amis la maison où il a grandi – ont permis à Maria de traverser sans trop de difficultés son premier petit coup de déprime depuis son arrivée.

En effet, l'accumulation de fatigue, du cours d'anglais peu satisfaisant qu'elle donne en ce moment, de petites tensions au sein de la colloc, et du manque des amis et de la famille, ont fait que les deux dernières semaines n'ont pas été simples pour la petite française. Mais grâce au coup de pouce de Jean-Pierre et des copains de Bujumbura et Gitega qui l'ont emmenée en WE au milieu des collines de thé du Nord pour lui changer les idées, le coup de blues de Maria est vite passé! Ouf!

Federico survivra-t-il plus longtemps que ses prédécesseurs dans la « maison des animaux à l'agonie »? Maria deviendra-t-elle la baby-sitter la plus convoitée de Ngozi? Le prochain voyage de Maxi et Laura à Zanzibar renforcera-t-il encore leurs sentiments? Les visites attendues de José, ami de Maxi, et de Marina, amie de Laura, bouleverseront-elles la vie de la colloc? Vous le saurez en lisant le prochain épisode de Ngozi's Anatomy.

mercredi 24 mars 2010

TEACHING IN BURUNDI

Être enseignant est loin d'être un métier de tout repos, surtout quand on débute, et avec pour seule formation une journée express pendant le stage de la DCC. Sans compter que depuis le début de l'année académique, les cours se dispensent un peu à la chaîne ici. J'ai échappé de justesse à 8h de cours par jour. Quand bien même, 4h quotidiennes, cela reste épuisant, surtout lorsqu'il faut les donner en anglais. Je revis ici la même source de fatigue qu'à l'UNESCO, en baignant à égalité dans trois langues différentes (espagnol à la maison, anglais et français au travail).


Néanmoins j'adore enseigner! Je crois que le rapport avec les élèves est ce qui me motive le plus. C'est d'abord un défi de chaque instant, car la responsabilité est grande de « transmettre », non seulement des connaissances mais aussi des méthodes d'analyse. Après des débuts hésitants, j'ai finalement décidé que le plus important, ce n'était pas de leur tout leur dire, mais qu'ils comprennent et retiennent le peu que je tente de leur enseigner (l'avantage de travailler sans programme académique!). Voilà qui n'est pas une mince affaire, surtout lorsque l'on n'est pas professeur de langues de formation. Comme ceux qui me connaissent le savent déjà, j'ai parfois du mal à accepter mes erreurs et mes lacunes (j'entends d'ici vos rires moqueurs « c'est un doux euphémisme! »;-))! Mais devant une classe de 30 élèves pendus à vos lèvres, c'est une véritable épreuve du feu! Heureusement, les élèves sont plutôt tolérants à mon égard. Lorsqu'il me reprennent, j'essaie d'en tirer le positif, car dans une certaine mesure, cela prouve aussi qu'ils suivent le cours et s'intéressent.


Cette relation avec les élèves m'offre aussi d'autres sources de satisfaction. Le surnom (et oui, déjà!) dont ils m'affublent est « kanyeshamba » (qui veut dire « forestier » en kirundi). J'aime ce surnom parce qu'il me donne l'impression de faire un peu partie de leur monde (kirundophone). Ils apprécient beaucoup que je dise quelques mots en kirundi pendant les cours, même si je suis la seule autorisée à le faire, car pour eux, les cours sont exclusivement soit en français soit en anglais! En fait, j'essaie de faire de mon mieux pour les mettre en confiance. Je n'aspire pas à être un de ces professeurs que les élèves craignent. Je mise plutôt sur des cours participatifs, où l'on rigole au moins un peu, parfois sur des thèmes un peu « hors-sujet ». Je me suis retrouvée, alors que j'expliquais pourquoi la phrase « The lion hunted the man and killed it » n'avait pas de sens, à chanter « ce matin, un lapin a tué un chasseur »! Et oui, vous en auriez bien voulu d'une prof comme moi, qui n'a pas peur du ridicule! La difficulté reste de savoir jouer à la fois sur la confiance et le respect, ce qui n'est pas non plus une tâche facile. Il faut parfois se rappeler à l'ordre et montrer aux étudiants qu'un professeur, ce n'est pas un copain!

Par ailleurs, d'un point de vue plus pédagogique, je tâche de faire preuve de patience et de souplesse, en particulier sur les horaires (il n'est pas rare qu'une bonne moitié de la classe arrive avec plus d'une demi-heure de retard, surtout quand il pleut!). Evidemment, j'en profite également car, comme les mêmes que tout à l'heure le savent aussi, la ponctualité ne fait pas vraiment partie de mes principales qualités! Même chose pour les délais de rendu de devoirs, notamment parce que les étudiants de l'université n'ont pas du tout l'habitude de compter sur le contrôle continu. La politique pédagogique en vigueur ici, comme je l'avais déjà évoquée, est un cours intensif d'une semaine presque immédiatement suivi de l'examen de première session. Les seuls cas où les élèves sont amenés à faire de vrais devoirs à la maison, c'est lorsque le professeur, pour gagner deux ou trois heures de cours, les compense en donnant un travail « complémentaire » qu'il mettra théoriquement deux ou trois heures à corriger...

Bien sûr, parfois, la désinvolture de certains me tape sur les nerfs. Dans ces cas-là, je choisis un élève qui a bavardé ou qui est arrivé encore plus en retard que moi (!), et qui subira une gentille moquerie « filée » tout au long du cours! Mais la chose qui me met vraiment hors de moi, et sur laquelle je suis absolument intransigeante, c'est la tricherie, qui leur vaut immanquablement une mauvaise note et une bonne remontée de bretelles! A côté de cela, je n'oublie pas que le secret de la réussite, ce sont aussi les encouragements. C'est pourquoi je m'attache à les féliciter quand ils travaillent bien, à leur montrer que faire des erreurs « à haute voix » , c'est non seulement normal (la première fois bien sûr!) mais aussi profitable à toute la classe, à leur offrir des opportunités de se rattraper quand ils se sont trompés, à leur démontrer qu'on peut apprendre plein de choses à condition de travailler!


mercredi 3 mars 2010

NGOZI'S ANATOMY E04S01: LA VUELTA DE MAXI

La colloc est à nouveau au complet: Maxi est de retour! Après des premiers jours plutôt tendus à Bujumbura, le retour à Ngozi a marqué le retour aux bonnes vieilles habitudes! Il a quand même bien fallu faire rattraper le temps perdu à l'homme de la maison! Car il s'en est passé des choses au mois de janvier!

Carolina s'était en effet trouvé un « amante tinieblo », un jeune français fan de rugby et de scoutisme, mais malheureusement, la romance n'aura duré qu'un temps! A nouveau célibataire, elle se lance à corps perdu dans la gym tonique, ce qui semble lui réussir. La chance veut qu'en plus, elle y rencontre un bel omanien qui répond au doux nom de Yousuf. Peut-être le début d'une grande aventure?

Pendant ce temps-là, en l'absence de son cher et tendre, la douce Laura s'était laissée émoustiller par un visiteur étranger, venu se lancer dans le commerce de café à Ngozi, et qui loge dans l'hôtel chic de Ngozi, le Sckojet, à quelques pas de la maison. L'homme, un dénomé Loay, au physique athlétique et à la crinière féline, est libanais d'origine portugaise et vit depuis 15 ans au Mozambique. Mais la déroute hormonale a tourné court car en plus de ses lubies astrologiques, le ténébreux « salvaje » est marié et sa femme attend un bébé. Heureusement que Maxi est de retour!

Maria, quant à elle, a enfin commencé les cours dans sa faculté. Elle est déjà qualifiée par ses étudiants de «prof trop cool »! Mais il faut quand même bien admettre qu'elle a un petit faible pour les étudiants de 3e et 4e année avec qui les cours tournent souvent à la franche partie de rigolade! Après une semaine « noire », où sa légendaire maladresse lui a vallu de se prendre tour à tour une barre d'échaffaudage dans l'oeil, le coffre de la voiture sur la tête, une table basse dans le tibia et un retard de deux heures en cours, la chance est de retour! La seule ombre au tableau a été le départ de son ami Saïdi qui, fraîchement diplômé et avec distintion, est parti à Bujumbura pour chercher du travail. Heureusement, comme Maria descend régulièrement à Buja, ils se sont promis de rester en contact!

Qu'adviendra-t-il de la relation entre Yousuf et Carolina? Maxi et Laura laisseront-ils finalement s'épanouir l'amour qui bouillonne entre eux? Maria conservera-t-elle sa réputation de « prof trop cool »? Vous le saurez en lisant le prochain épisode de Ngozi's Anatomy!

LIFTING IN BURUNDI


Les transports sont l'un des éléments les plus marquants du Burundi. Pour vous présenter le panel le plus complet possible de ce trait remarquable, laissez-moi vous guider du plus gros au plus petit.

LES ÉLÉPHANTS
L'essentiel des biens de consommation entre et sort du Burundi à bord de camions tanzaniens bigarés, et il faut bien l'admettre, un peu kitch, à l'image des camions indiens. Souvent surchargés, tant par les marchandises en tout genre qu'ils transportent que par les gamins qui sautent à l'arrière pour aider à décharger et gagner ainsi leur pitance quotidienne, ces camions ont une fâcheuse tendance à traverser les villes et villages à 150 km/h, manquant chaque fois d'écraser sauvagement vélos et piétons qui ont le malheur de se trouver sur leur passage! A cette vitesse, dans les virages en épingle à cheveux qui parsèment les routes burundaises, de nombreux camions se renversent.

Les accidents de camions, notamment ceux qui transportent de la bière (Primus et Amstel), sont un véritable événement dans les villages. Quelques secondes après s'être retourné, le camion est assailli par des dizaines de paysans qui improvisent sur place une sorte de cabaret informel et épuisent le stock de boissons en quelques heures, le temps que la police arrive sur les lieux!

LES CHARETTES
Les autobus burundais sont en général des camionettes 18 places, en réalité raremement occupés par ce nombre exact de personnes! On les appelle des « yas ». C'est le mode de déplacement le plus commun et le plus abordable pour aller d'une ville à l'autre, mais ce n'est clairement pas le plus rapide ni le plus confortable.

En effet, ici, on optimise le déplacement et l'espace du véhicule, ce qui signifie que le bus ne démarre pas tant qu'il n'est pas plein comme un oeuf. Le yas fait donc plusieurs fois le tour de la ville à la recherche de passagers, avant de se décider à prendre la route. A l'intérieur, les biens les plus inattendus s'amoncèlent: valises, sacs de riz, de haricots et d'oigons, poulets vivants, etc. Et sur le parechoc avant, il n'est pas rare de voire se balancer quelques mukekes et sangalas (poissons du lac Tanganyika), ce qui leur confère ce petit goût unique au monde! Sur la route, même principe: on s'arrête tous les 20 mètres pour prendre un nouveau passager ou pour que l'un des passagers à bord achète un régime de bananes ou un sac de pommes de terre.

Tout cela vous semble bien folklorique, je n'en doute pas, mais c'est sans compter sur le mal qui frappe nombre de burundais: celui des transports. En effet, il arive souvent que votre voisin rende son déjeuner dès les 20 premières minutes de voyage et ce jusqu'à l'arrivée. Mais rassurez-vous, les burundais savent se tenir, ils vomissent souvent dans leur sac pour ne pas vous incommoder!

LES BOEUFS
Le parc automobile burundais ressemble à celui de presque tous les pays d'Afrique: de vieilles voitures décharnées en provenance d'Europe, au kilométrage titanesque et aux intérieurs improbables, et de gros 4x4 pick up, parfois propriétés des quelques rares burundais millionnaires (en Francs Bu, bien sûr!) ou de l'administration, mais plus généralement outil de travail de la coopération internationale. Entre les deux, on trouve les Corolla japonaises des taxis, souvent ornées sur leur pare-brise avant et arrière d'autocollants géants glorifiant le nom de Dieu. Là encore, même principe que pour le yas, pas de gaspillage: lors que vous prenez un taxi pour aller d'une ville à l'autre, c'est souvent avec 3 ou 4 inconnus et le coffre plein de marchandises diverses et variées.

L'autostop est aussi une pratique très répandue au Burundi. On appelle cela « trouver un lift ». Et contrairement aux idées reçues, les burundais se prêtent volontiers à cette pratique. Nous même, comptant parmi les professeurs privilégiés de l'université qui disposent d'un véhicule, nous sommes souvent sollicités pour déposer un collègue sur le chemin.

LES BROUETTES
Comme en Chine, le moyen de transport emblématique du Burundi, c'est le vélo! D'abord avec les taxi-vélos, que l'on trouve en bande à presque tous les coins de rue, réunis autour de bornes informelles, et qui, moyennant quelques centaines de francs, suent sang et eau pour vous amener n'importe où en ville. Ils sont réputés pour conduire très dangereuseument et être à l'origine de nombreux accidents. Une de mes étudiantes a d'ailleurs failli y laisser un orteil! A Bujumbura, comme la ville est plus étendue, les taxi-motos leur font concurrence.

A la campagne et sur les routes, le vélo sert surtout à transporter toutes sortes de marchandises: des bottes de foins aux sacs de charbon, vous n'imaginez pas tout ce qui tient sur un deux-roues. Et les pauvres bougres qui poussent leur vélo surchargé comme ils pousseraient un âne mort font sans conteste partie du paysage. Cela n'est pas très étonnant quand on sait qu'en dehors des 3 ou 4 routes principales du pays et des 2 ou 3 rues principales de chaque ville, toutes les autres voies du Burundi sont en terre battue, diablement pentues et donc difficilement accessibles aux véhicules.

... ET MARCHER AVEC SES PIEDS!
Mais ici, compte tenu du relief montagneux, des difficultés d'aménagement du territoire et de l'enclavement des villages, la meilleure façon de se déplacer, c'est encore avec ses pieds. Malgré l'absence de trottoir en ville et de bas-côté sur les routes, les Burundais, surtout les paysans, font des kilomètres tous les jours pour aller aux champs, chercher de l'eau, faire des courses, se faire soigner, etc. Hommes, femmes, enfants, souvent chargés de panier dignement portés sur la tête à l'aide d'une sorte de turban en feuilles de bananes, grimpent avec agilité les collines escarpées qui couvrent le pays.

mardi 16 février 2010

BUILD A FAMILY IN BURUNDI

Voici un petit post pour compléter le précédent sur le mariage au Burundi, et parce que je suis sûre que la question que vous vous posez tous maintenant est de savoir si ici aussi, la femme prend le nom de son mari. Et bien la réponse est non, car la notion de nom de famille n'existe pas au Burundi. En effet, si les Burundais ont bien deux noms qui ressemblent fort à nos noms et prénoms, il n'en est rien. L'équivalent de leur nom n'est nullement un héritage familial, il n'est donc pas transmis à l'épouse lors du mariage, ni aux enfants. L'épouse garde l'équivalent de son nom de jeune fille, et les enfants du couple recevront tous un «nom» et un «prénom» différents selon le bon vouloir de leurs parents. Ce qui fait la particularité du «nom» par rapport au «prénom», c'est qu'il fait toujours référence à Dieu (= Imana, en kirundi). Petits exemples: Ngendakumana = celui qui va vers Dieu; Nshimirimana = celui qui remercie Dieu, etc.

L'absence de transmission du nom a deux conséquences majeures. D'abord, ce phénomène pose de véritables problèmes de transmission patrimoniale, et rend impossible l'établissement du moindre arbre généalogique (sauf pour les lignées royales). Je crois bien que personne ne sait même ce que c'est! Par ailleurs, le choix des noms limite fortement leur diversité: il n'est pas rare d'avoir dans une même classe de 30 élèves trois au quatre Nshimirimana qui n'ont aucun lien de parenté, et moins surprenant encore de rencontrer deux élèves ayant les mêmes nom et prénom dans un amphithéâtre de 200 étudiants! Pour éviter les problèmes d'identification liés à cette faible variété, la carte d'identité burundaise (et tous les documents officiels) précise donc le nom du père et le nom de la mère.

A propos de carte d'identité, je fais un petit apparté hilarant sur les deux avant-dernières lignes, qui concernent l'état civil du détenteur:
  • avant- avant - dernière ligne: êtes-vous marié?
  • avant - dernière ligne: êtes-vous célibataire?
(je vous jure, ce n'est pas une blague!!)

Pour en revenir aux enfants, je me dois de confirmer un cliché bien ancré sur l'Afrique: oui, les Burundais ont beaucoup d'enfants. Une famille a en moyenne entre 7 et 9 enfants. Mais cette réalité est en train de changer: les nouvelles générations, surtout en ville, ne souhaitent plus avoir que 2 ou 3 enfants, afin de leur assurer un avenir décent. La transition démographique a bel et bien commencé au Burundi.

La diffusion progessive de la contraception, aujourd'hui encore très limitée, accélèrera sans doute le phénomène. En attendant, faute de contraception artificelle, les Burundais ont recours à des méthodes plutôt ... originales pour limiter les naissances. En effet, après l'accouchement, les époux peuvent rester jusqu'à plusieurs mois sans se voir, pour éviter une autre conception trop rapprochée de la précédente!! Une autre méthode consiste à allaiter son bébé pendant ... tenez-vous bien ... 2 ans minimum, et jusqu'à 5-6 ans dans certains cas! Oui, oui, c'est même recommandé par les médecins ... d'ici! Plus longtemps on allaite l'enfant, plus fort et intelligent il sera!

GETTING MARRIED IN BURUNDI

La dot de la petite soeur de Jean-Pierre a été l'occasion pour les dilettantes que nous sommes de découvrir quelques uns des petits secrets du mariage à la burundaise.

ETAPE 1: LA PRÉ-DOT.
Avant les cérémonies officielles, les deux familles se rencontrent informellement dans la maison de la future mariée. Auparavant, ce premier contact avait pour but de fixer le montant de la dot: la famille du gendre apportait une enveloppe contenant une certaine somme d'argent qui correspondait à 1/10 du montant total de la dot. Aujourd'hui, les fiancés se mettent souvent d'accord entre eux pour fixer ce montant, autrement dit le prix de la jeune fille.

Car, contrairement à notre tradition européenne, ici, comme dans la plupart des pays d'Afrique, c'est la famille du gendre qui verse de l'argent à la famille de la fille, pour compenser la perte. Plus une fille est belle et éduquée, plus elle vaut cher. Une dot, notamment à Bujumbura, peut s'élever jusqu'à 2-3000 dollars, voire plus! Imaginez pour le niveau de vie du Burundi! Pour vous donner une idée, nos gardiens sont touchent l'équivalent de 300 dollars par an. Auparavant, ce montant était acquitté en chèvres et en cadeaux plus au moins symboliques (des tissus, une houe, des machettes, un costume, etc.), mais aujourd'hui, les familles préfèrent souvent verser l'essentiel de la somme en liquide (la maison n'accepte plus les chèques, en raison des nombreuses fraudes!). Pour les Burundais, une occidentale est donc un don du ciel: c'est gratuit!

ÉTAPE 2: LA DOT
La cérémonie de la dot correspond peu ou proue aux fiançailles de chez nous: il s'agit basiquement de la première rencontre officielle entre les familles. Plantons d'abord le décor: une maison dont la cour a été transformée, l'espace d'une journée, en salle de spectacle, avec un parterre dans lequel prennent place les invités, et une scène qui acceuille les familles, les invités importants puis les fiancés. En matière de décoration, comme nous le savions déjà tous, le bon goût est une notion largement culturelle et qui fait rarement l'unanimité...: fleurs en plastiques, tableaux floraux et religieux fluorescents, guirelandes clignotantes, etc., aucun cliché n'a été épargné! Maman Forestier en aurait fait une attaque! En même temps, les fleurs en plastiques ont aussi des vertus pratiques dans ce pays chaud, où les fleurs naturelles attirent des insectes de toutes sortes et de toutes tailles!

Quant au cérémonial, c'est la famille de la bru qui accueille la famille du gendre, cette dernière ayant le devoir de se présenter les bras chargés de présents: des vivres stockés dans des paniers traditionnels en forme de quille, et évidemment les incontournables caisses de bière! C'est confirmé, le champagne burundais, c'est l'AMSTEL!

Après cette arrivée en grande pompe, commence le cérémonial proprement dit, qui consiste en une joute verbale entre pères et représentants des deux familles – pour que vous ne soyez pas trop surpris, je me dois de souligner que les discours ont une importance fondamentale dans les fêtes burundaises, même les plus informelles! Il s'agit en fait d'une sorte de jeu de rôle dans lequel le père de la fiancée prétend ne pas savoir pourquoi la famille du jeune homme est là et demande des explications. Le représentant de la famille du gendre explique alors qu'ils viennent pour la paix, l'union de deux familles, et surtout – admirez le sens burundais de la métaphore – pour venir chercher « une vache sans corne »! Toute une symbolique, car la vache a un rôle très particulier dans la société burundaise, elle fournit lait, viande et peau, elle est le présent du serviteur à son maître, la mère nourricière des orphelins. Le jeu continue et le père de la future mariée feint d'ignorer de quelle « fille-vache » il s'agit, il évoque ses autres « vaches » mais jamais la bonne. Le représentant de la famille du fiancé doit donc préciser le nom de la promise. Le père de la jeune fille rétorque alors qu'il lui est impossible de se séparer d'une « vache » si précieuse pour sa maison sans compensation. Il faut donc que le réprésentant de la famille du garçon s'engage à compenser cette perte pour que le père de la fille finisse par accepter de la donner en mariage et la fasse monter sur scène.

Puis, lorsque le fiancé est présent, après une embrassade très pudique, les fiancés s'échangent des cadeaux. Si le cadeau destiné au jeune homme n'obéit à aucune règle particulière, ce dernier offre souvent à sa douce une bague symbolique, qu'elle portera au majeur de la main gauche. Enfin les fiancés s'assoient face à l'assemblée, pour partager aux vues et aux sues de tout le monde leur « premier repas ». J'ai bien dit « si le fiancé est là », car avant, sa présence n'était pas requise. Ainsi, il arrivait souvent que les fiancés se rencontrent pour la première fois au moment du mariage, ce qui faisait dire aux gens d'ici que le mariage burundais, c'est un travail de mathématicien: on passe la nuit sur une inconnue!

ETAPE 3: LE MARIAGE
De cette étape, je ne connais que les prémisses, je vous en dirai après le 20 mars (mariage civil de la soeur de JP). Ce que je peux déjà vous dire, c'est que comme le Burundi est une république laïque, il existe comme chez nous un mariage civil – la polygamie est illégale, même si on peut toujours s'arranger! – et un mariage religieux. Le mariage civil a souvent lieu avant le religieux, notamment parce que le premier est soumis à moins de règles que le second. En effet, il est formellement interdit par l'Eglise burundaise de se marier enceinte – on ne sait jamais, il pourrait être d'un autre géniteur que le futur ami, ce qui conduirait à l'annulation du mariage, chose absolument inadmissible et pour l'Eglise catholique et pour la coutume burundaise.

Or il est très courant que les femmes tombent enceintes avant le mariage – phénomène que les Burundais, pourtant très pratiquants, justifient par la nécessité de vérifier la fertilité de leur future épouse avant de faire le grand saut! Il n'est donc pas rare qu'on s'arrange pour organiser le mariage civil avant la naissance – ainsi la future mère peut accoucher chez son mari, comme le veut la coutume, sans « vivre dans le péché » – puis qu'on célèbre le mariage religieux quelques mois après.

ETAPE 4: LA LEVÉE DU VOILE
Cette cérémonie, qui a généralement lieu le lendemain du mariage, a tendance à devenir de plus plus symbolique, en raison de ce que nous venons d'évoquer plus haut. Il s'agit en fait du moment où les tantes de la désormais jeune femme viennent récupérer le drap qui a accueilli les premiers ébats des jeunes mariés, afin de constater s'il a ou non été tâché de sang, autrement dit pour vérifier à posteriori que la bru était bien vierge et que le gendre a bien fait son boulot!

lundi 8 février 2010

STUDYING IN BURUNDI


Si je ne peux pas prendre l'Université de Ngozi comme exemple paradigmatique du système d'éducation supérieure au Burundi, je peux néanmoins en tirer quelques traits caractéristiques. Vous n'êtes pas sans savoir – et si vous l'ignoriez, maintenant vous le savez! – que l'Université de Ngozi (UNG) est la première université privée créée au Burundi et aussi la seule qui se trouve hors de la capitale. En effet, le pays compte aujourd'hui une quinzaine d'établissements d'éducation supérieure, tous situés à Bujumbura. Bonjour l'aménagement du territoire!

La jeunesse de ce réseau, à laquelle s'ajoute la faiblesse des salaires – notamment par rapport à ce qu'un diplômé de licence peut toucher en travaillant dans une Organisation ou une ONG internationale, explique en grande partie la carrence de professeurs qui touche le pays, surtout dans les campagnes (autrement dit, tout autre lieu que Bujumbura!). Les quelques profs qui exercent ici sont donc amenés à enseigner dans plusieurs universités à la fois. Lorsque toutes ces universités se trouvent au même endroit, pas de problème, mais que se passe-t-il lorsqu'il faut monter jusqu'à Ngozi, à deux heures et demi de route de Bujumbura, pour aller enseigner dans une université qui n'a pas les moyens de s'offrir un personnel permanent suffisant pour être totalement autonome? Et bien on s'arrange comme on peut! Comme les professeurs visiteurs doivent prendre des congés pour venir ici et sont alors logés et nourris au frais de l'université, les activités des professeurs permanents sont suspendues afin que les premiers puissent donner leur cours de 45 ou 60, voire 90h en 10 à 20 jours, à raison de 8h par jour, les WE et jours fériés compris!

A cause de ce rythme et de ces interruptions perpétuelles, même les professeurs permanents en sont réduit à donner leurs cours dans ces conditions. Heureusement, parce que nous avons un doyen compréhensif, nous avons négocié de n'avoir que quatre heures de cours par jour, pour étaler un peu la période d'apprentissage.

Un rythme effréné pour les étudiants qui, au terme du cours, passeront un premier examen (session partielle ou 1ère session) puis, s'ils ont échoué (note inférieure à 12, rares sont donc les élèves qui valident leur matière du premier coup), un second (session spéciale ou 2e session – qui consiste souvent à refaire le premier examen!), et n'entendront plus parler de ce cours jusqu'à la fin de l'année académique.

En parlant d'année académique, ici elle n'est pas fixe, sauf pour les premières années qui commencent les cours entre les mois de novembre et de décembre, après l'examen d'Etat (l'équivalent du bac) qui a lieu en septembre. Pour les autres, la nouvelle année commence lorsque la précédente prend fin, souvent après deux semaines de coupure pour laisser le temps aux commissions de passage de délibérer. Autrement dit, une année académique au Burundi ne dure pas nécessairement 12 mois: la licence, qui s'effectue normalement en 4 ans – du moins jusqu'à l'année prochaine où la réforme LMD devrait être lancée, peut parfois durer 5 à 6 ans! Cela signifie aussi qu'ici, pas de vacances, en tout cas planifiées: les étudiants ont connaissance de leur emploi du temps d'une semaine sur l'autre, en fonction des professeurs visiteurs disponibles, des professeurs permanents en congés ou non, et des périodes calmes, où ils peuvent s'octroyer quelques jours de vacances improvisées, souvent dédiées à un petit boulot pour financer leur minerval (leurs frais de scolarité).

Quant au niveau des étudiants, il est extrêmement hétérogène, il dépend essentiellement de la qualité du lycée dans lequel ils ont étudié, et cette qualité varie énormément entre les lycées communaux, les lycées privés catholiques et les lycées islamiques (comibu), etc. – ces derniers bénéficient en effet d'une meilleure qualité d'enseignement que la moyenne des établissements secondaires burundais grâce au soutien financier et logistique des pays du Golfe. Il me semble que la difficulté principale réside en fait dans la maîtrise du français qui, bien qu'il soit imposé comme langue d'apprentissage, n'est pas leur langue maternelle. Il est déjà compliqué de suivre un cours de biochimie, alors quand c'est dans une autre langue que la sienne... Pour le cas du département de traduction et d'interprétation dans lequel je travaille, le problème est bien plus grave: entre version et thème anglais-français, rien n'a de sens, puisque le français comme l'anglais sont des langues étrangères (« venues par avion ») pour les élèves. Mes cours de traduction consistent donc autant à leur apprendre à comprendre l'anglais qu'à bien s'exprimer en français! Et ce n'est pas une mince affaire!
 

jeudi 28 janvier 2010

NGOZI'S ANATOMY S01E03: LE COQ EST MORT!


Les fêtes de Noël amènent leur lot de nouvelles aventures. Il y a quelques semaines, une nouvelle collocataire est venue s'installer à la maison: elle s'appelle Carolina, elle est colombienne et travaille aussi à l'université. Le trio, devenu quatuor l'espace de quelques semaines, s'apprêtent donc à fêter dignement le passage à la nouvelle année. Les collocs ont organisé avec leurs collègues de l'université le jeu de l'ami invisible, qui a rencontré un franc succès et leur a vallu le titre de G.O. officiels de l'uni. Puis est venu l'incontournable repas de Noël, autour de la dépouille de Francesco le coq, qui s'est avéré être aussi revêche mort que vif! En effet, l'inoffensif animal de compagnie s'est révélé être une bestiole sociopathe totalement insomniaque, chantant à toute heure du jour et surtout de la nuit, se ruant dans le lit de Maria à la moindre occasion et prêt à dévorer jusqu'aux vitres de la maison!


A l'occasion de ce dîner, une amie espagnole de la colloc, Elena, est venue se joindre à la joyeuse petite troupe. La belle, qui venait d'éconduire son prétendant burundais d'un mois, avait grandement besoin de réconfort. Un réconfort qu'elle a inespéremment trouvé dans les bras de Saidi, un ami congolais de Maria, des plus charmants, même si un peu maladroit avec les filles! Les suites de ce début de romance se révèlent un peu cahotiques, mais Maria veille au grain et fait de son mieux pour réunir les deux tourtereaux.


Puis est venu le temps des départs - temporaires pour les vacances pour Laura et Maria, définitif (en tout cas, c'est ce que tout le monde croyait!) pour Maxi - sauf pour Carolina qui reste seule à Ngozi pour les fêtes. Les coeurs de Laura et Maxi débordent évidemment de chagrin, mais heureusement, ils ont prévu de se voir à Madrid début janvier, juste avant le retour de Laura à Ngozi. Leurs retrouvailles au coeur de la capitale espagnole ont sans doute contribué à les conforter dans leurs sentiments puisque Maxi, après moult tergiversations, s'est enfin décidé à revenir lui aussi à Ngozi, pour 4 mois de plus, arrivée prévue le 15 février! La maisonnée, devenue exclusivement féminine, se réjouit de cette nouvelle! Amidou en revanche, qui pensait pouvoir tenter à nouveau sa chance avec la belle Laura après le départ de Maxi, a encore dû se faire une raison, la muzungu kazi mwiza (la belle blanche) n'est décidemment pas pour lui.


En attendant l'arrivée de Maxi, les filles, de retour au bercaille, ont repris les cours. Cette rentrée a été ponctuée par une invitation à la dot de la soeur de Jean-Pierre, splendide fête, où nos 3 compères, une fois encore accompagnées de la douce Elena, ont fait sensation parées du traditionnel imvutano! La pauvre Laura, pour avoir couru pendant la réception avec son vêtement de fête, s'est vu répété 34 fois le lundi matin à l'université qu'on ne court pas avec un imvutano!


La relation d'amitié entre Laura et Amidou est-elle menacée par le retour de Maxi? Comment se passera le retour de ce dernier, désormais perdu au milieu de 3 collocataires au sacré caractère? L'histoire entre Saidi et Elena prendra-t-elle une nouvelle tournure? Carolina se lancera-t-elle a la conquête des « merveilles culturelles » du Burundi et se dégotera-t-elle « un amante tinieblo » comme le lui suggère insistamment Laura? Vous le saurez en lisant le prochain épisode de Ngozi's Anatomy!

jeudi 14 janvier 2010

STARWARS CHEZ LES BARUNDIS

La culture, « c'est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber! » Naïvement, au début, je pensais trouver au Burundi un mode de vie très différent de celui de la France. Et puis en arrivant, je me suis rendu compte que la mondialisation avait bien fait son boulot: tout le monde a un téléphone portable en ville, le « vidéoclub » de Ngozi a des cassettes de Prison Break et des DVD d'American Pie, et Céline Dion est une super star! Autant vous dire qu'il n'y a pas de quoi être fier de la culture mondiale qui s'exporte aujourd'hui!

Pourtant, au fur et à mesure que j'ai commencé à mieux saisir la culture burundaise, je me suis rendue compte que beaucoup d'«évidences» étaient en fait très liées à la culture. Un petit exemple? C'est très simple: je rigolais avec un copain sur le fait qu'il avait une brosse à dent bleue et moi une rose, ce à quoi le copain en question a répondu « et? ». Et...et... et oui, ici, l'association quasi-instinctive du rose avec les filles et du bleu avec les garçons ne veut rien dire...

Par ailleurs, depuis que j'ai commencé à donner des cours (de français pour le moment), j'en découvre des vertes et des pas mûres, notamment en ce qui concerne le fameux « patrimoine historique universel de l'humanité ». Ici, même les étudiants qui atteignent l'université n'ont aucune idée de qui est Léonard de Vinci, pensent que la Joconde est une espèce d'oiseaux et ignorent tout de l'Illiade et de l'Odyssée (c'est sûr, sans France Télévisions et Ulysse 31, c'est moins évident!). Plus surprenant est l'épisode que je m'en vais vous conter maintenant: je faisais faire un exercice à mes étudiants sur le sujet: « imaginez une application pour votre téléphone portable et défendez-la devant la classe ». Pour illustrer le sujet, je prends l'exemple, somme toute assez « jeunes'cool » vous en conviendrez, d'un téléphone qui fait aussi sabre laser (non, non, l'Iphone n'a rien à voir là-dedans ;-)). Un amphithéâtre entier me dévisage alors avec un regard éberlué. « Vous voyez ce que c'est qu'un sabre laser? ». Et là, 200 étudiants me répondent en coeur « Non madame! ». Pas un seul n'avait même entendu parlé de Starwars! Raté!

Les croyances populaires sont aussi un sujet de franche rigolade. Dans le cadre d'un cycle de conférences donné dans tout le Burundi, les étudiants ont assisté à une intervention sur les violences sexuelles faites aux femmes. Sur demande du recteur, j'en ai fait un sujet de débat pour le cours de français, qui en fait de débat a vite tourné au cours d'éducation sexuelle. Après une demi-heure de discussion sur ce que l'on peut et doit considérer comme violence sexuelle, un étudiant me pose la question qui tue: « Pardon Madame, est-ce qu'on peut considérer que la masturbation est un acte de violence sexuelle perpétré envers soi-même? » ... Je me suis donc retrouvée à expliquer à une classe soudainement toute ouïe que non, la masturbation n'est pas une maladie, qu'elle ne cause ni impuissance ni problèmes neurologiques graves, et qu'elle peut être considérée comme une manière de canaliser ses énergies sexuelles comme d'autres pratiquent beaucoup de sport ou s'adonnement à la méditation! Et tout ça avec beaucoup de précautions évidemment, car il fallait tenir compte du fait que les étudiants sont pour la plupart très pratiquants, catholiques, protestants et muslumans confondus! L'apothéose de cette saynette burlesque est venue lorsque, à la fin de mon effort de dédiabolisation de la masturbation, un élève m'interroge alors totalement paniqué « Mais Madame, on n'est quand même pas obligé de faire la masturbation pour être en bonne santé, dites? » Un grand moment!

Je crois que sur ce thème, je ne suis pas au bout de mes surprises!