Être enseignant est loin d'être un métier de tout repos, surtout quand on débute, et avec pour seule formation une journée express pendant le stage de la DCC. Sans compter que depuis le début de l'année académique, les cours se dispensent un peu à la chaîne ici. J'ai échappé de justesse à 8h de cours par jour. Quand bien même, 4h quotidiennes, cela reste épuisant, surtout lorsqu'il faut les donner en anglais. Je revis ici la même source de fatigue qu'à l'UNESCO, en baignant à égalité dans trois langues différentes (espagnol à la maison, anglais et français au travail).
Néanmoins j'adore enseigner! Je crois que le rapport avec les élèves est ce qui me motive le plus. C'est d'abord un défi de chaque instant, car la responsabilité est grande de « transmettre », non seulement des connaissances mais aussi des méthodes d'analyse. Après des débuts hésitants, j'ai finalement décidé que le plus important, ce n'était pas de leur tout leur dire, mais qu'ils comprennent et retiennent le peu que je tente de leur enseigner (l'avantage de travailler sans programme académique!). Voilà qui n'est pas une mince affaire, surtout lorsque l'on n'est pas professeur de langues de formation. Comme ceux qui me connaissent le savent déjà, j'ai parfois du mal à accepter mes erreurs et mes lacunes (j'entends d'ici vos rires moqueurs « c'est un doux euphémisme! »;-))! Mais devant une classe de 30 élèves pendus à vos lèvres, c'est une véritable épreuve du feu! Heureusement, les élèves sont plutôt tolérants à mon égard. Lorsqu'il me reprennent, j'essaie d'en tirer le positif, car dans une certaine mesure, cela prouve aussi qu'ils suivent le cours et s'intéressent.
Cette relation avec les élèves m'offre aussi d'autres sources de satisfaction. Le surnom (et oui, déjà!) dont ils m'affublent est « kanyeshamba » (qui veut dire « forestier » en kirundi). J'aime ce surnom parce qu'il me donne l'impression de faire un peu partie de leur monde (kirundophone). Ils apprécient beaucoup que je dise quelques mots en kirundi pendant les cours, même si je suis la seule autorisée à le faire, car pour eux, les cours sont exclusivement soit en français soit en anglais! En fait, j'essaie de faire de mon mieux pour les mettre en confiance. Je n'aspire pas à être un de ces professeurs que les élèves craignent. Je mise plutôt sur des cours participatifs, où l'on rigole au moins un peu, parfois sur des thèmes un peu « hors-sujet ». Je me suis retrouvée, alors que j'expliquais pourquoi la phrase « The lion hunted the man and killed it » n'avait pas de sens, à chanter « ce matin, un lapin a tué un chasseur »! Et oui, vous en auriez bien voulu d'une prof comme moi, qui n'a pas peur du ridicule! La difficulté reste de savoir jouer à la fois sur la confiance et le respect, ce qui n'est pas non plus une tâche facile. Il faut parfois se rappeler à l'ordre et montrer aux étudiants qu'un professeur, ce n'est pas un copain!
Par ailleurs, d'un point de vue plus pédagogique, je tâche de faire preuve de patience et de souplesse, en particulier sur les horaires (il n'est pas rare qu'une bonne moitié de la classe arrive avec plus d'une demi-heure de retard, surtout quand il pleut!). Evidemment, j'en profite également car, comme les mêmes que tout à l'heure le savent aussi, la ponctualité ne fait pas vraiment partie de mes principales qualités! Même chose pour les délais de rendu de devoirs, notamment parce que les étudiants de l'université n'ont pas du tout l'habitude de compter sur le contrôle continu. La politique pédagogique en vigueur ici, comme je l'avais déjà évoquée, est un cours intensif d'une semaine presque immédiatement suivi de l'examen de première session. Les seuls cas où les élèves sont amenés à faire de vrais devoirs à la maison, c'est lorsque le professeur, pour gagner deux ou trois heures de cours, les compense en donnant un travail « complémentaire » qu'il mettra théoriquement deux ou trois heures à corriger...
Bien sûr, parfois, la désinvolture de certains me tape sur les nerfs. Dans ces cas-là, je choisis un élève qui a bavardé ou qui est arrivé encore plus en retard que moi (!), et qui subira une gentille moquerie « filée » tout au long du cours! Mais la chose qui me met vraiment hors de moi, et sur laquelle je suis absolument intransigeante, c'est la tricherie, qui leur vaut immanquablement une mauvaise note et une bonne remontée de bretelles! A côté de cela, je n'oublie pas que le secret de la réussite, ce sont aussi les encouragements. C'est pourquoi je m'attache à les féliciter quand ils travaillent bien, à leur montrer que faire des erreurs « à haute voix » , c'est non seulement normal (la première fois bien sûr!) mais aussi profitable à toute la classe, à leur offrir des opportunités de se rattraper quand ils se sont trompés, à leur démontrer qu'on peut apprendre plein de choses à condition de travailler!
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