mardi 8 mars 2011

WHAT IS FREE IN BURUNDI


Le gouvernement burundais a lancé en 2005 une grande initative dans le domaine de la santé maternelle et infantile ainsi que dans l'éducation primaire : la gratuité. Une riche idée à première vue, dans un pays gravement appauvri, tant économiquement qu'humainement, par la crise de 1993. Ainsi donc, depuis 2005 au Burundi, les femmes enceintes accouchent gratuitement et leur progéniture bénéficie de soins gratuits jusqu'à l'âge de 5 ans. De même, après quelques années, ces adorables petits pourront aller à l'école primaire gratuitement.

Oui, une riche idée à première vue... mais seulement à première vue. La noble intention du gouvernement burundais, qui rentrait parfaitement dans le cadre des Objectifs du millénaire fixés par les Nations unies (dont l'éducation pour tous et la réduction de la mortalité infantile), s'est vite transformée en course contre la montre pour adapter les infrastuctures d'enseignement et de santé dévastées par la guerre à cette vague immense de nouveaux bénéficiaires, une course perdue d'avance dans les faits.

Si l'on commence par l'éducation, il faut rappeler que jusqu'en 1993, le taux net de scolarisation au Burundi dépassait à peine les 50% d'une classe d'âge et n'a sans doute pas augmenté durant la crise. Aujourd'hui, le même indicateur atteint presque les 100% (94,1% en 2010), mais à quel prix ? Un enseignant qualifié pour en moyenne 60 élèves (et jusqu'à 80 dans le Nord du pays), une salle de classe pour 80, un manuel pour 3 en moeynne, un recrutement massif d'enseignants, toujours moins bien rémunérés. Du coup, des grèves continuelles : pour l'année scolaire 2009-2010, plus de 3 mois de grève ont été enregistrés, au détriment des élèves bien sûr, qui ont dû terminer l'année et passer leurs examens lors des vacances d'été. L'impact du malaise des plus grands sur les plus petits s'est pleinement révélé le jour où des élèves d'une école publique se sont postés devant une école privée pour empêcher les élèves d'y aller étudier : « si nous ne pouvons pas étudier, pourquoi eux le pourrait-il? ». Au final, si 95% d'une classe d'âge est aujourd'hui scolarisé, moins de 50% des élèves terminent le cycle primaire...

Il est donc clair que la politique du chiffre dans l'enseignement primaire a de fait relégué la question de la qualité au second plan ; et il est à craindre que les réformes pour changer cela ne sont pas pour demain. Pourtant, ce ne sont pas les défis qui manquent, et au premier chef, celui des langues. Les enfants qui commencent l'école primaire en kirundi sont vite amenés (lors de la 4ème année de primaire) à suivre leurs cours en français. En attendant, ils apprennent le  français en seconde langue dès la première année de primaire, en même temps  que l'anglais et le swahili!! Une telle surcharge linguistique explique qu'on rencontre souvent des élèves qui, jusqu'au seuil de l'université, parlent très mal tant l'anglais que le français (qui est pourtant la langue privilégiée de l'enseignement!)

Quant à la santé maternelle et infantile, elle n'est pas en reste. Le très faible nombre de médecin par habitants au Burundi ( 0,28 pour 1000 habitants) rend très difficile la mise en oeuvre de la gratuité de l'accouchement dans un pays où le taux de fécondité frôle encore les 5 enfants par femme. Les services de maternité voient défiler des dizaines de femmes par jour qui, après de longues heures d'attente dans les couloirs bondés de l'hôpital, atteignent enfin la salle de travail où elles sont vite accouchées et d'où elles sont aussi vite sorties. Une femme qui accouche reste en moyenne 3 à 4 heures à l'hôpital, et est renvoyée chez elle presqu'immédiatement, sans aucun assistance maternelle ni conseils sur la prise en charge sanitaire du nouveau-né. De ce fait, si la gratuité de l'accouchement a sans conteste fait drastiquement baisser la mortalité des mères en couche, elle a par ailleurs contribué à accroître considérablement le taux de mortalité infantile, les mères étant bien moins bien accompagnées dans les premières heures de la vie de leur enfant. De plus, la précipitation du personnel soignant donne souvent lieu à des accidents plus ou moins graves, allant d'une mauvaise suture à l'oubli d'un scalpel dans l'utérus d'une maman fraîchement accouchée. Certains disent même que ces accidents ne sont pas le fait du hasard mais la conséquence du refus des parents de graisser la patte du médecin pour qu'il fasse correctement son travail. Rumeur... ?

Enfin, en matière de soins pédiatriques, peu d'informations me sont parvenues, sinon celle que l'accès géographique à l'hôpital n'est pas toujours aisé pour les ruraux. Une anecdote cependant, qui montre que si un enfant peut être soigné  aux frais du contribuable à l'hôpital, il ne peut y mourir gratuitement : le petit-fils de mon gardien est décédé au bout de quatre jours, à l'hôpital, qui a demandé à la mère la coquette somme de 12.000 BIF (pour vous donner un ordre d'idée, mon gardien qui travaille jour et nuit sans congé à la maison gagne 55.000 BIF), finalement ramenée à 3.000, pour récupérer le corps de l'enfant. Sachant que l'hôpital de Ngozi ne dispose pas de morgue, le corps aurait fini « à la poubelle » si sa famille n'avait pas finalement réussi à le récupérer pour lui donner une sépulture descente. Les limites du système tombent parfois dans le sordide ...

2 commentaires:

  1. Tout juste Auguste !!! Pour notre part à Dakar, les cliniques privées demandent 300 000 F voire 500 000F à une jeune maman certes elle a le confort (dîner servi en livrée) mais c'est la sage femme qui fait tout le boulot et l'obstétricien aime la césarienne qui rapporte plus et lui permet de partir en WE à Saly, alors que la même sage femme pratique l'accouchement en centre de santé de quartier pour 10 000F. On libère aussi la jeune maman au bout de 2 ou 3 heures....la disparité ville/ brousse est énorme...Val

    RépondreSupprimer
  2. Merci Val ;-)
    Ai-je oublié de préciser qu'ici, à l'hôpital comme en prison, il n'y a presqu'aucune prise en charge en terme de nourriture: c'est à la famille d'apporter du linge, de quoi nourrir et abreuver le malade...

    RépondreSupprimer