mercredi 3 août 2011

TRADITION AND MODERNITY IN BURUNDI


La tension latente que l'on sent entre tradition et modernité au Burundi semble refléter une tension commune à la plupart des cultures africaines. En effet, avec la décolonisation, la tradition est devenue ce rempart infranchissable contre l'acculturation par la culture dominante de l'ancien colonisateur. Elle a été défendue en bloc, sans distinction, au nom du relativisme culturel, nouvel excès idéologique qui a succédé à la hiérarchie des civilisations et au drawinisme culturel.

Mon boulot de professeur d'université a cela de passionant qu'il me met en permanence au contact des individus les plus concernés par cette tension : les jeunes ! De fait, à chaque débat avec mes étudiants sur des questions de société tel que « faut-il légaliser la prostitution? » ou « faut-il dépénaliser l'homosexualité ? (pénalisée au Burundi depuis la réforme du code pénal de 2009), l'argument du respect de la coutume burundaise surgit immanquablement.

Ces jeunes, contrairement à ceux de chez nous, ne trouvent rien de « cool » à se rebeller contre la tradition et les coutumes de leurs parents. Au contraire, plus vous vous conformez à ces règles sociales, plus vous attirerez l'admiration et la sympathie de vos camarades et de la société toute entière. Drôle de schéma par rapport à la jeunesse occidentale ! Ici, les jeunes aiment à entretenir la tradition. J'en veux pour preuve l'engouement de nombre d'entre eux pour l'art des tambourinaires ou pour les danses traditionnelles. Chaque université a sa troupe de joueurs de tambours et son club de danse.

La société dans son ensemble valorise davantage la sagesse de l'âge que l'innovation portée par la jeunesse. Être jeune, c'est être immature, voleur, menteur. Il faut entendre mes collègues parler des étudiants, à qui on ne peut rien confier, ou encore ma propriétaire vanter les mérites d'avoir un gardien d'un certain âge, les plus jeunes ayant une fâcheuse tendance à vider vos tiroirs. Voilà qui en dit long sur le conservatisme social et culturel de la société burundaise !

C'est un aspect de la culture de ce pays qui ne m'était pas apparu à priori de façon cohérente, mais au fur à mesure, je ne peux m'empêcher de voir toutes les pièces du puzzle s'assembler. En me penchant plus sérieusement sur la question, une évidence m'est apparue : l'Afrique n'a pas connu sa révolution « libertaire », son « mai 68 », son printemps de la jeunesse. Ici, les changements viennent d'en haut. Rares sont les jeunes qui se sentent la capacité ou même la légitimité pour prendre des initatives révolutionnaires. À mon avis, cette défiance vis-à-vis de la jeunesse – alors même qu'elle représente plus de 40% de la population – et des nouveautés qu'elle pourrait porter explique en partie l'inertie sociale de la société burundaise en particulier, et des sociétés africaines en général. Ça et le poids prépondérant d'une religion de la vieille école – catholique et protestante au Burundi, islamique ailleurs.

Pourtant, l'aspiration à la modernité est bien présente, il n'y a aucun doute là-dessus. D'abord parce que, même si la plupart des jeunes agissent en accord avec les coutumes, certains ne se privent pourtant pas de commentaires pour dénoncer des pratiques d'un autre temps – comme celle de chasser une fille-mère de la maison avec son enfant. Ensuite parce que la généralisation progressive de l'accès aux Nouvelles technologies de l'information et de la communication fait l'unanimité chez les burundais : vive les portables, les ordinateurs, l'internet et la télévision ! Enfin, parce qu'entre rejet et fascination, la culuture dominante – désormais américaine – a largement pénétré les pratiques culturelles de la jeunesse urbaine, notamment au travers du cinéma, de la musique et de la danse.

La tension qui résulte de cette double aspiration – au respect des coutumes et à l'entrée dans la modernité – n'est pas toujours source de conflit et produit parfois des effets aussi originauxque plaisants ! L'exemple que j'ai en tête est celui qui m'a poussé à écrire ce billet : une soirée dans une boîte en plein air à Bujumbura – le Kibira Bar pour ceux qui connaissent – où des démonstrations de danses traditionnelles sur des airs tout ce qu'il y a de contemporains alternaient avec des performances de hip hop et de salsa acrobatique ! Il reste à souhaiter qu'à l'image des discothèques de la capitale, la société burundaise, dans cette lutte silencieuse entre tradition et modernité, saura garder le meilleur des deux!

3 commentaires:

  1. Je viens de découvrir votre blog et j'aime bien.
    Je suis d'accord nous n'avons pas eu de révolution culturelle de la jeunesse, mais nous avons certainement eu une jeunesse révolutionnaire de part le passé dans l'histoire récente du Burundi. J'ai envi de dire qu'elles étaient partiellement culturelles aussi.
    En commençant par le Prince qui à lutter pour l'indépendance et ses compagnons. Rwagasore à vraiment remis les normes sociales Burundaise en question en étant "un homme du peuple" chose inacceptable dans la société féodale qu'était le Burundi.
    Ensuite, Micombero à vraiment tout bouleversé. Il a toucher à la Monarchie! Institution sacrée et qui pendant des siècles etait le socle de la nation Burundaise. Ils étaient tous très jeune.
    J'aimerais partager avec vous cet article écrit par un Burundais sur combien il trouve que la jeunesse aujourd'hui ne reflète pas les mentalités de nos parents à notre age.http://thisburundianlife.wordpress.com/2013/10/16/no-guts-at-all/

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ce point de vue très intéressant, et pour l'article très pertinent que tu mets en référence! Je suis très heureuse de cette réaction, qui nuance mon analyse!

      Supprimer