mardi 27 juillet 2010

BEING RELIGIOUS IN BURUNDI


J'étais prévenue avant de partir: l'Église en Afrique, c'est … différent. On a du mal à imaginer le pouvoir et la richesse extravagante de l'institution catholique dans le 5ème pays le plus pauvre du monde.

Ici, rien ou presque ne se fait sans l'accord de l'évêque du diocèse. Les prêtres, toujours de costumes vétus, se promènent en 4x4 dans les rues poussièreuses des villages, et délivrent des serments sur l'ascèse et l'abstinence au bras de leur(s) maîtresse(s), à qui il n'est pas rare qu'ils aient fait quelques enfants. Les religieuses étudient en proportion 10 ou 12 fois plus que les filles burundaises laïques. Si la caricature est un peu excessive, elle n'est pas si éloignée de la réalite. Le sacerdoce ici est vécu comme une véritable ascension sociale, dont il est difficile de ne pas profiter.

Comment l'Église fait-elle pour être si aisée ? Et bien figurez-vous qu'en plus des indemnités versées à chaque service rendu par l'Église (messe de neuvaine, mariage, etc.), les burudais paient encore la dîme, cet impôt annuel à l'Église. Son montant n'est pas très élevé – quelques milliers de francs par an – et proportionnel à l'âge. Cela dit, si vous n'êtes pas à jour dans vos versements, impossible de demander quoi que ce soit à l'Église : vous ne pourrez ni faire votre communion solennelle ni vous marrier religieusement. De quoi s'assurer que les mauvais payeurs ne profitent pas gratuitement des bons offices de l'institution !

A cette recette de taille, s'ajoute aussi celle de la quête, apportée individuellement à l'autel lors de la messe. Enfin, il faut souligner que l'Église catholique, commes toutes les autres institutions religieuses d'ailleurs, ne paie pas d'impôts, alors même qu'elle dispose d'un patrimoine foncier et immobilier colossal.

Même si les burundais restent encore majoritairement catholiques, la concurrence des protestants « born again » s'est faite très rude, surtout depuis la crise de 1993. Les églises pullulent et réveillent tout le village le dimanche à partir de 6h du matin au son des chants religieux. Une amie de Gitega a eu le malheur d'atterrir dans une maison contigüe à une église protestante, et le dimanche matin, on a vraiment l'impression que le pasteur prêche dans son salon! Cette propagation du protestantisme charismatique en provenance des États-unis s'accompagne aussi d'un regain de ferveur religieuse, surtout chez les jeunes, tous très pieux, peut-être trop..., occupant leur week-end en prière et en gospel. Cette vigueur omniprésente de la religion a parfois des conséquences que personnellement, je juge graves, telles la diffusion d'idées créationnistes qui font dire à certains de mes étudiants, à l'occasion d'un débat sur l'émancipation de la femme, que cette dernière est forcément la subalterne de l'homme puisqu'Eve est sortie de la côte d'Adam! Ne riez pas, ce débat nous a occupé une bonne demi-heure !

Quant aux musulmans, dont les hurlements du muezzin 5 fois par jour n'ont pas l'air de déranger les passants de toutes les autres confessions, ils pratiquent une religion que l'on pourrait qualifier d' « adaptée » : en effet, ici, beaucoup de cabarets se vident au moment du ramadan et certains préfèrent même fermer en attendant que la clientèle revienne après l'Eïd-Fitri. Le plus insolite, c'est la cohabitation entre les commerçantes du marché disparaissant sous leur niqab et les musulmanes voilées au bras nus!

Je dois terminer ce post en vous expliquant que parler de religion au Burundi, c'est comme parler de haricots: c'est quelques chose que tout le monde partage. Pas de place pour les athées dans ce pays, la ferveur religieuse y est  presque un élément de "l'identité nationale", si on me permet cet emprunt à notre cher Nicolas!

2 commentaires:

  1. j avoue que je suis un peu choque par ces revelations d une litterature crue si je peux me permettre le terme, mais il me reste une question que j'aimerai vous demander :"vous etes de quel religion?"

    RépondreSupprimer
  2. Cher anonyme,
    Navrée de vous avoir choqué, ce n'était pas mon intention. Pour répondre à votre question, je suis catholique et fière de l'être. Ça ne m'empêche pas de porter un regard critique sur l'institution quand elle s'éloigne de son message initial. J'ai précisé que j'avais volontairement caricaturé la description, pour la rendre plus percutante.
    Pour être plus juste, peut-être aurais-je dû ajouter que les communautés religieuses font ici un travail remarquable, au plus près des populations rurales et des enfants de la rue qui n'ont souvent qu'elles pour tout recours.
    En souhaitant avoir dissipé tout malentendu.

    RépondreSupprimer